La folie au Moyen Âge : entre crainte, mystère et fascination

« Accordez aussi aux fous une qualité qui n’est pas à dédaigner ; seuls, ils sont francs et véridiques » – Erasme de Rotterdam

Dans l’imaginaire médiéval, la folie est à la fois crainte, moquée, parfois sacrée — et toujours redoutée. Loin de notre compréhension actuelle, qui la rattache à la médecine et à la psychologie, la folie médiévale est avant tout une figure culturelle, morale et religieuse. Elle incarne un désordre, un renversement du monde et des valeurs. Et pourtant, elle est partout : dans les textes, les images, le théâtre, les marges des manuscrits… jusqu’à parfois révéler une vérité que le « sage » ne voit plus.

Un désordre du monde… ou de l’âme ?

Au Moyen Âge, la folie est rarement pensée comme une pathologie mentale. Elle est plutôt vue comme un dérèglement de l’âme, une punition divine ou une épreuve spirituelle. Le « fol », le fou, peut être inspiré — ou possédé. Certains sont considérés comme des victimes du Diable, d’autres comme des pécheurs frappés pour leur orgueil. On distingue parfois la folie furieuse, violente et incontrôlable, de la folie douce, rêveuse ou mélancolique.

Dans les hôpitaux et les hospices, les fous cohabitent avec les pauvres, les infirmes, les mendiants. La marginalité est partagée, la frontière entre pauvreté, déraison et malédiction est floue.

Le fou dans les arts et les lettres

Figure incontournable dans les marges des manuscrits enluminés, le fou y apparaît grotesque, affublé d’un bâton, d’un bonnet à grelots, souvent nu ou difforme. Il amuse et inquiète à la fois. Dans le théâtre, notamment les Mystères ou les Fêtes des Fous, il devient un personnage central, provocateur, libre de dire ce que les autres taisent. Il incarne une vérité renversée, un miroir moqueur tendu à la société et aux puissants.

À la fin du Moyen Âge, des textes comme La Nef des fous (Sebastian Brant, 1494) donnent une nouvelle ampleur à cette figure. Chaque fou y symbolise une forme de vanité ou de déraison humaine. La folie devient alors une métaphore critique de l’ordre social.

Entre rejet et fascination

La figure du fou médiéval dérange parce qu’elle échappe aux normes. Elle est à la fois exclue et tolérée, crainte et exploitée. Certains fous, dits « de cour », sont même protégés, car ils divertissent — mais ils jouent aussi un rôle ambigu de critique sociale, comme le feront plus tard les bouffons de la Renaissance.

La folie, au Moyen Âge, n’est jamais anodine. Elle révèle les fragilités humaines, les tensions de l’ordre social et les zones d’ombre de la foi. Elle parle, dans sa démesure, d’un monde en quête d’équilibre entre l’âme, le corps… et le mystère.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *