
Oubliez un instant nos insultes modernes : le Moyen Âge regorgeait d’un vocabulaire haut en couleur, bien plus inventif qu’on ne le croit. Entre expressions pieuses, insultes imagées et tournures cocasses, le langage médiéval révèle une facette vivante et souvent oubliée de cette époque.
Des jurons… sous le regard de Dieu
À une époque profondément marquée par la religion, les jurons font fréquemment référence au divin. Mais attention : blasphémer, même involontairement, pouvait valoir une amende, voire une pénitence. Pourtant, cela n’empêchait pas les gens de s’exclamer :
– « Par la foi de Dieu ! »,
– « Mort Dieu ! »,
– « Ventre Saint Gris ! » (ventre du Christ, popularisé plus tard par Henri IV).
Ces jurons dits « sacrés » cherchent souvent à éviter une offense frontale : on détourne, on masque. C’est ainsi que naissent des formes atténuées comme « corbleu » (pour corps de Dieu) ou « morbleu » (pour mort de Dieu). Ces formules sonnent aujourd’hui comme des répliques de théâtre, mais elles avaient un véritable poids à l’époque.
Insultes et injures bien senties
Le langage quotidien regorge aussi d’insultes… parfois très inventives ! On se traite de :
– faquin (personne insignifiante),
– gougnafier (vaurien),
– putain de gibet (prostituée vouée à la potence),
– ou encore de coquefredouille (fanfaron inutile).
Le registre animalier est très utilisé : on traite quelqu’un de vilain cochon, chien d’ivrogne ou bête cornue. Et bien sûr, les différenciations sociales se ressentent : traiter un noble de manant ou un bourgeois de pouilleux peut avoir de lourdes conséquences.
Langue vivante, esprit mordant
La langue médiévale est profondément orale, imagée, souvent crue. Elle traduit aussi la créativité du peuple, sa manière de dire le monde avec humour, colère ou poésie. On n’hésite pas à employer le grotesque ou le corps pour rire ou insulter, comme dans les fabliaux où les insultes deviennent véritables scènes burlesques.
Jurer au Moyen Âge, c’était à la fois risqué, libérateur… et hautement culturel. Aujourd’hui, ces mots oubliés nous rappellent que même dans la rudesse du quotidien, le langage a toujours su faire preuve d’ironie et de saveur.
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